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Le loup en France : quand la politique du tir sape la science et la protection de la biodiversité

19 décembre 2025

Le loup en France : quand la politique du tir sape la science et la protection de la biodiversité

Le loup en France : quand la politique du tir sape la science et la protection de la biodiversité

La Fondation Brigitte Bardot a cosigné, aux côtés de 213 associations, une lettre ouverte adressée aux ministres de l’Environnement et de l’Agriculture de l’Union européenne les engageant à ne pas abaisser le statut de protection du loup au niveau national. Malheureusement, le gouvernement français s’apprête à affaiblir encore davantage la protection de cette espèce. On vous explique tout…

Un déclassement européen qui ouvre la voie à tous les excès

Le 7 mars 2025, l’Europe a franchi une ligne rouge. Le statut juridique du loup a été abaissé au sein de la Convention de Berne, et la directive du 17 juin 2025 a entériné ce recul historique pour la biodiversité. Sous couvert de « gestion pragmatique » et de « coexistence », la France s’est engouffrée dans cette brèche pour transformer une espèce protégée en gibier administratif.

Les chiffres sont édifiants : 161 loups abattus au 8 octobre 2025, pour un plafond fixé à 192. Face à ce rythme d’abattages frénétiques, la préfète en charge du plan national sur le loup envisageait dès le mois d’octobre dernier, d’augmenter ce quota de 2 % supplémentaires. Pourtant, la population de loups en France stagne. L’Office français de la biodiversité (OFB) a récemment estimé à 1 082 le nombre d’individus en 2025. Avec un taux de prélèvement de 19 % depuis 2019 et une mortalité globale de 38 %, l’OFB alerte : il existe 56 % de probabilité que la population décline d’ici 2035.

Une libéralisation qui défie la science et le droit

La réforme annoncée va encore plus loin. Le gouvernement prévoit de remplacer (par la prise d’un décret et d’un arrêté) le régime d’autorisations préalables par un simple système déclaratif dans les territoires exposés. Concrètement, les éleveurs pourront tuer des loups puis le déclarer a posteriori à la préfecture. Cette mesure, présentée comme une
« simplification administrative », signe l’abandon de tout contrôle effectif des destructions.

Si le projet de décret, soumis à consultation publique en septembre-octobre 2025, a suscité une opposition massive
(89 % des contributions se sont déclarées défavorables), l’arrêté est encore en discussion. Une consultation publique a également été ouverte pour ce dernier et les Français ont eu jusqu’au 19 décembre pour s’y opposer. A cet effet, le Conseil national de la protection de la nature a émis un avis défavorable à l’unanimité, rappelant que ces deux textes contreviennent à un arrêt majeur de la Cour de justice de l’Union européenne, selon lequel les considérations économiques ne peuvent « revêtir un caractère déterminant » dans la gestion d’une espèce protégée.

L'inefficacité scientifiquement démontrée des tirs létaux

Les données scientifiques sont pourtant claires : les tirs létaux ne résolvent pas le problème de la prédation. Pire, ils peuvent l’aggraver en désorganisant les meutes, perturbant leur structure sociale et leurs comportements de chasse. Ces tirs sont souvent déconnectés des attaques réelles et alimentent donc les tensions locales.

Des solutions alternatives ignorées

Pour parvenir à une réelle cohabitation, les mesures de prévention doivent être correctement mises en œuvre et soutenues financièrement par les pouvoirs publics : présence humaine renforcée, installation de clôtures adaptées, chiens de protection, parcs de nuit. Ces dispositifs existent, ils fonctionnent, mais nécessitent un investissement public à la hauteur des enjeux et un accompagnement technique des éleveurs sur le long terme.

L’arrêté du 7 février 2025 exige d’ailleurs que les dérogations aux destructions soient fondées sur « une analyse technico-économique réalisée au cas par cas » démontrant « l’impossibilité du recours à des dispositifs de protection ». Pourtant, dans les faits, la pression politique et les tensions locales conduisent à multiplier les autorisations de tirs, sans évaluation rigoureuse de l’efficacité des mesures alternatives.

Une responsabilité de l'État qui se dérobe

La cour administrative d’appel de Lyon a reconnu, le 13 novembre 2024, la responsabilité sans faute de l’État pour les dommages causés par le loup, ouvrant ainsi la voie à des indemnisations au-delà des forfaits existants. Cette jurisprudence crée une pression budgétaire qui pousse paradoxalement l’État à réduire la population de loups pour limiter ses dépenses, alors que le droit de l’environnement exige une protection fondée sur la science, et non sur le calcul économique.

Un précédent dangereux pour toute la biodiversité

Le déclassement du loup ne concerne pas seulement cette espèce. Il crée un précédent redoutable pour l’ensemble de la faune protégée. Une fois admis que les considérations économiques peuvent primer sur les impératifs écologiques, quelle espèce sera la prochaine sur la liste ? L’ours ? Le lynx ? Les oiseaux de proie accusés de prélever du gibier ?

Repenser la cohabitation plutôt que programmer l'éradication

La protection du loup est un marqueur de notre capacité à maintenir une biodiversité fonctionnelle, à respecter nos engagements et à imaginer un avenir où l’activité humaine ne rime pas systématiquement avec destruction du vivant.

La Fondation Brigitte Bardot appelle l’État français à respecter ses obligations légales, à suspendre la réforme du système déclaratif, à publier les études scientifiques sur l’état de conservation de la population et à réorienter sa politique vers une véritable cohabitation entre élevages et faune sauvage.

L’avenir du loup en France se joue aujourd’hui. Avec 1 082 individus, une probabilité de déclin de 56 % d’ici 2035, et une politique de destruction qui s’accélère : nous sommes à la croisée des chemins. Choisissons la science, le droit et la coexistence plutôt que la facilité du fusil.

Pour conclure sur une lueur d’espoir, en Suède un tribunal administratif est revenu, le 15 décembre dernier, sur les autorisations de chasse délivrées et concernant 48 loups.

Chez nous, le 12 décembre, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté préfectoral autorisant les tirs de loups dans les Hautes-Pyrénées.

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